dimanche 5 juin 2016

Les Feux de Shôhei Ooka*****


Editeur : Le Livre de Poche (2003 )
221 pages
Postface de Maya Morioka Todeschini.
Traduit par Rose-Marie Makino-Fayolle en 1995
Parution originale en 1951 sous le titre de Nobi
Prix Yomiuri


Résumé éditeur


C'est un portrait terrible de la guerre et de ses ravages que nous livre Shohei Ôoka dans ce roman considéré comme un des chefs-d'œuvre de la littérature japonaise de l'après-guerre. Car le drame de Tamura, simple soldat et intellectuel dans le civil, envoyé dans la jungle des Philippines, où il rencontre la solitude, la faim, la peur et finalement sa propre folie, ne concerne pas seulement les Japonais ; ce drame symbolise de manière universelle la tragédie de tous les hommes, soldats ou civils, pris dans l'engrenage d'une guerre dont la logique leur échappe, mais qui finit par les dévorer, marquant à vie ceux qui lui survivent. Tamura n'est pas un "héros" dans le sens traditionnel du terme ; il est bien trop humain pour l'être ou pour le devenir. Ce qui le rend peut-être héroïque, c'est sa quête entêtée et désespérée de l'humain, même quand les choix qui lui sont imposés sont barbares. Portrait minutieux, acéré, sans complaisance, mais plein de compassion, du calvaire et de l'angoisse existentielle d'un être soumis aux pires agressions. "Les feux" sont avant tout une réflexion philosophique sur l'extrême.

Mon avis   ★★★★★


Poignant et effroyable témoignage sur les horreurs de la guerre, sur la survie des hommes et leur capacité à faire face à la faim qui les tiraille, à l'abandon, à la solitude, à la maladie.
Comment lutter justement, comment ne pas sombrer soi-même dans l'horreur face à la détresse ... quel choix aurions-nous fait nous-mêmes ?
Les soldats en déperdition souffrent physiquement et psychologiquement, sont livrés à eux-mêmes et quand ils deviennent inaptes car blessés ou malades, voici ce que leurs supérieurs leur suggèrent :
« Alors, crève ! Ce n'est pas pour rien qu'on vous a donné des grenades. C'est le dernier service que tu peux rendre à la nation ».
Le personnage de Tamura, le narrateur de ce témoignage, est grand, touchant.
Sa réflexion sur la guerre, la vie, la mort, le fait de donner la mort est profonde et, de mon point de vue, si juste.

Citations & Extraits


"Je reçus une gifle. Le lieutenant me dit, très vite, à peu près ceci :
- Imbécile ! On te dit de revenir, et toi tu reviens, comme ça, sans rien dire. Il fallait insister, dire que tu ne savais pas où aller. Alors ils t'auraient accepté à l'hôpital. Ici, nous n'avons pas les moyens de nourrir un tuberculeux comme toi." (début du roman)

"Les aspects variés de la nature où il est envoyé pour se battre n'ont aucune signification à ses yeux si ce n'est celle qui découle d'un point de vue strictement stratégique. C'est cette absence de signification qui le soutient et qui est la source de son courage.
Au moment où la cohérence de cette absence de signification est ébranlée par la lâcheté, à moins que ce ne soit par la réflexion, le pressentiment de la mort, qui a encore moins de signification pour l'homme vivant, en profite pour s'installer."

"Je ne disposais que de la liberté absurde de vivre comme je le voulais le temps qui me séparait de ma mort. Grâce à la grenade que j'avais sur moi, la mort faisait encore partie de mon libre choix, mais je ne pouvais qu'en différer le moment."

"Même marchant dans la vallée de l'ombre de la mort", Psaume 23 de David, Ancien Testament, Citation en exergue de l'ouvrage






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