vendredi 14 octobre 2016

Lettres à Stella de Iona Grey***


Editions Les escales, mai 2016
488 pages
Traduit de l'anglais par Alice Delarbre
Prix Goldsboro du livre romantique


Quatrième de couverture


   À la nuit tombée, fuyant la violence de son compagnon, une jeune femme court dans les rues glacées de Londres. Jess n'a nulle part où aller. Surgissant dans une ruelle déserte, elle trouve refuge dans une maison abandonnée. Le lendemain matin, le facteur glisse une lettre mystérieuse par la porte. Incapable de résister à la tentation, Jess ne peut s'empêcher de la lire et se retrouve plongée dans une histoire d'amour d'un autre temps.
   1943. Dans une église de Londres bombardée par le Blitz, Stella rencontre Dan, un aviateur américain. Très vite, ils sont irrésistiblement attirés l'un par l'autre. Leur histoire est a priori impossible. Rien ne joue en leur faveur : elle vient de se marier à un pasteur, lui n'a qu'une chance sur cinq de sortir vivant de cette guerre. Perdus et sans repères, la seule chose à laquelle les deux amants peuvent s'accrocher sont les lettres qu'ils s'écrivent, promesses d'un bonheur à venir.
   Le temps a passé, le destin est cruel, mais Jess est déterminée à savoir ce qui leur est arrivé. Inspirée par cet amour, portée par son enquête, elle trouvera à son tour les clefs d'un avenir meilleur.


« Un roman magnifique qui vous fera frissonner. » - The Sun

« Une véritable course contre le temps. Un conte captivant sur l'amour et sa perte. » - Booklist


 Mon avis ★★★☆☆


«Je t'ai promis un amour infini, à une époque où il m'était impossible de savoir si je survivrais une semaine de plus. Aujourd'hui, il semblerait que l'éternité touche à son terme. Pas un instant je n'ai cessé de t'aimer. J'ai essayé, pour ne pas perdre la raison, mais je n'ai jamais été près d'y parvenir, pas plus que je n'ai cessé un seul jour d’espérer.»
Emprunté depuis quelques semaines, j'ai tardé à l'ouvrir. Je n'étais plus certaine de vouloir le lire; il représente un petit pavé quand même, entre temps de nombreux bouquins ont envahi ma commode de livres à lire que j'ai ABSOLUMENT ENVIE DE LIRE, et puis, je ne suis pas une grande adepte des romans d'amour.
J'ai fini pas l'ouvrir, et bien m'en a pris. Ce roman est très bien conçu et j'ai passé un bon moment de lecture.
Le procédé de narration est classique, une alternance entre passé et présent, entre Histoire et histoire, un parallèle entre deux histoires, deux tranches de vie, deux femmes, deux époques. Les lettres adressées à Stella feront le lien entre ces deux périodes. Iona Grey a l'art des transitions, les chapitres s'enchaînent d'une époque à l'autre sans réelle cassure, c'est troublant parfois, extrêmement appréciable et savoureux souvent.
Deux belles histoires d'amour sur fond de deuxième guerre mondiale, des destins tragiques qui s'entremêlent, des cœurs cabossés qui trouveront réconfort et espoir dans l'Amour. Des personnages passionnés, qui à un moment ou un autre de leur vie ont eu de lourds fardeaux à porter, dépression, oppression d’un mari, soumission, la violence conjugale (tristement d’actualité encore de nos jours, un mal qui n’a finalement ni âge ni époque, comme tant d’autres maux), les combats aériens au péril d’une vie, le mensonge pour cet aumônier obligé de cacher ses penchants sexuels afin de ne pas transgresser les lois civile et divine.
J'ai beaucoup aimé ce parallèle entre ces deux femmes, Stella d'hier et Jess d'aujourd'hui. Les époques sont différentes, et pourtant la position précaire de la femme dans la société est évoquée de la même façon, à chacune de ces époques. 
L'horreur de la guerre et du Blitz, ainsi que les conditions de vie au quotidien qui en découlent : les privations, le rationnement, la peur, occupent une place non négligeable dans ce roman, et rendent les chapitres sur la romance de Dan et Stella beaucoup plus riches et intéressants. Deux scènes ont ébranlé ma petite âme. Un instantané, tout d'abord, un arrêt sur image, l'image de Dan photographiant Stella, accroupie, à la recherche de sa montre, sur les débris d'une église bombardée. Noir et blanc. Touchant. Ma lecture stoppée nette. Et je me suis retrouvée derrière cet homme, immortalisant la scène à mon tour. Belle. Émouvante scène, empreinte de tendresse et de violence, quand l'amour naît de l'Histoire. Et puis, la scène finale, ce moment poignant qui fait que ce livre ébranle encore davantage, et pousse à la réflexion sur le temps qui passe, les moments d’amour volés ou saisis, tous ces moments qui aident à tenir quand la vie ne nous épargne pas, sur le fait qu’il faut profiter de chaque instant présent pour mieux les savourer, les raviver ensuite, s’en émouvoir, et s’en aider, sur l’Amour avec un grand A.
Je suis peu habituée à lire des romances, mais ce roman vaut le détour. Il m'a manqué un peu de profondeur et de surprise. Trop de prévisibilité (des personnages, comme de l'histoire), mais malgré tout un bon moment de lecture.

«Je ne dors pas, vous savez, observa-t-il d'un ton chagrin. Je ferme à peine l’œil. À l'époque de la guerre, j'étais dans les convois de la bataille de l'Atlantique et on passait des jours sans dormi. On tombait d'épuisement, on aurait donné nos derniers sous pour un roupillon de cinq minutes. Aujourd'hui, alors que je n'ai plus rien à faire d'autre, je suis incapable de m'assoupir. La vie est mal fichue, non ? 
Merci encore, lieutenant. Pour le thé, et le reste. Et bien sûr, bonne chance quand vous reprendrez du service.Ses mots lui paraissaient brusques et désinvoltes, mal choisis, au regard de ce qu'il s'apprêtait à rejoindre. Alors que pour elle la guerre signifiait faire la queue chez le boucher, préparer des colis pour la Croix-Rouge, guetter les lettres de Charles, supporter le révérend Stocks, pour lui, ça voulait dire  ... quoi ? Pénétrer l'espace aérien de l'ennemi ? Se faire tirer dessus ? Accepter l'idée qu'il pourrait ne pas voir un autre lever de soleil ?
Stella, je ne veux pas que tu te sentes coupable. Depuis Brême, j'ai acquis une sérieuse expertise sur la culpabilité et je suis parvenu à la conclusion que dans le registre des émotions elle rejoint, sur l'échelle des sentiments négatifs, la malveillance et la jalousie. Elle empoisonne le bonheur et nous pousse à croire que nous ne sommes pas assez bons, que nos actions et nos choix sont les mauvais. En tant qu'humains, nous sommes, il me semble, programmés pour essayer d'être heureux, et la culpabilité nous dit que cet instinct est mauvais. Je suis convaincu du contraire. Je vais même te dire que, quand je suis assis dans le cockpit de mon B-17 et que j'essuie des tirs antiaériens allemands de toutes parts, j'ai l'impression que décrocher un peu de bonheur est la seul chose qui compte. Sinon, à quoi bon vivre ?Ce n'était qu'un baiser, un instant dans une rue de Londres par une chaude nuit de printemps. Tu peux rejeter la faute sur l'eau-de-vie ou la guerre, tu peux la rejeter sur moi. Je ne suis pas sûr que j'aurais pu m'empêcher de t'embrasser si j'avais essayé, et je suis sûr que je n'avais pas envie d'essayer. Je pourrais te dire que je suis désolé, mais la vérité (et je suis trop éreinté pour écrire autre chose que la vérité), c'est que je ne le suis pas, parce que j'ai aimé t'embrasser. [...] C'était un instant, rien de plus. Un instant très précieux, très unique.Prends soin de toi pour moi.
Le village est très beau. À notre arrivée, tout était couleur de boue, mais aujourd'hui le vert domine et les arbres sont couverts de fleurs - on dirait de la neige. Difficile d'imaginer un endroit plus joli pour faire la guerre.»
Référence musicale à Myra Hess, pianiste anglaise (25 février 1890- 25 novembre 1965) 


Ruines dans la banlieue Est de Londres, septembre 1940
(Source Wikipedia)

Bombardement, Blitz, Londres, 1941
(Source Wikipedia)

Tickets de rationnement français – J2, J3, T, 
denrées diverses, juillet 1944
(Source Wikipedia)
 
Pour aller plus loin, si vous le souhaitez, c'est par ici, le site web de Philippe Nithart, généalogiste alsacien, un site très riche, très bien conçu et truffé d'informations historiques...

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