samedi 24 juin 2017

Quand monte le flot sombre ★★★☆☆ de Margaret Drabble

Éditions Christian Bourgois, mars 2017 
453 pages
Traduit de l'anglais par Christine Laferrière

Quatrième de couverture


« Je n'ai pas peur de la mort. C'est vivre, qui me préoccupe. » Margaret Drabble illustre ici magnifiquement son propos en nous offrant, dans un style non dénué d'humour et d'empathie, une réflexion sur le « flot sombre », présage de la fin de l'existence. Les personnages de ce roman nous proposent, à travers leurs souvenirs et pensées, une fine analyse de notre époque, une savoureuse critique sociale, à l'occasion d'une méditation néanmoins grave sur cette unique certitude qu'est notre fin, sujet rarement traité avec autant de vitalité et de justesse.

« Érudit, magnifiquement écrit, drôle, tragique. »
Daily Mail

« Une lecture surprenante et pleine d'esprit, qui donne à réfléchir. »
Herald

« Margaret Drabble a toujours été une chroniqueuse observatrice de la vie humaine. »
The Literary Review

« Le brio de Margaret Drabble donne l'impression de vastes horizons que personne n'avait jamais vus de cette façon avant. »
The Times

Mon avis ★★★☆☆


Un roman sur le grand âge, écrit avec humour et tendresse, une réflexion sur la vie, la fin de vie et la mort.
Au cœur de ce roman, Fran, septuagénaire, préoccupée par la vieillesse, arpente les routes anglaises pour se rendre dans les résidences pour seniors et en améliorer le confort. Elle est un personnage dévouée, dotée d'empathie et de lucidité.   «Ses inspections des modèles changeants d' établissements spécialisés et de foyers pour seniors lui ont fait prendre conscience des retards et des moyens infiniment intelligents, complexes et inhumains que nous créons afin d'éviter et de nier la mort, d'éviter d'accomplir notre destinée et d'arriver à destination. Et, dans de si nombreux cas, le résultat a été que nous y arrivons non pas de bonne humeur, au moment où nous faisons nos derniers adieux et accueillons la vie après la mort, mais inconscients, incontinents, déments, soumis à des traitements au point de sombrer dans l'amnésie, l'aphasie, l'indignité. De vieux imbéciles, qui n'ont pas eu le courage de prendre ce dernier whisky et de mettre le feu à leur literie avec une dernière cigarette.» 
Autour de cet énergique petit bout de femme, gravite une multitude de personnages qui traversent (pour beaucoup d'entre eux), chacun à leur manière, la vieillesse. 
L'écriture est fluide et vive, empreinte de bienveillance, d'espoir, d'optimisme. 
Ce roman est très fouillé, truffé de citations de poètes, auteurs, philosophes. L'auteure cite Shakespeare, Marguerite Yourcenar, évoquent de nombreux poètes Yeats, Hardy, Dylan Thomas, Peter Redgrove, Robert Nye (dont je me suis noté de découvrir Falstaff publié aux éditions Age d’Homme en 1991, et deux recueils de poèmes, Juvenilia 1 (1961) et Juvenilia 2(1963)), d'Yves Bonnefoy (L'Arrière pays), Beaudelaire «Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais», le philosophe Miguel de Unamuno (1864-1936,précurseur de l'existentialisme), l'écrivain José Saramago (Le Radeau de pierre)...entre beaucoup d'autres.
Un bon moment lecture, de qualité.
J'adresse mes remerciements aux Éditions Christian Bourgois et Masse Critique : je découvre Margaret Drabble grâce à vous.
«Elle ne peut s'empêcher de considérer le temps d'une vie comme un voyage, voire un pèlerinage. Ce n'est pas à la mode, ces temps-ci, mais c'est sa façon de voir. Une vie, ça a une destination, une fin, une dernière parole.



Nous pouvons tous nous attendre à vivre plus longtemps, mais l'on a récemment annoncé que la majorité d'entre nous peut s'attendre à passer les six dernières années de sa vie prolongée à souffrir d'une maladie grave, à endurer une forme de douleur et de mauvaise santé. Fran trouve que cette statistique est exaspérante. La longévité a foutu en l'air nos pensions, notre équilibre entre vie professionnelle et vie privée, nos services de santé, nos logements, notre bonheur. Elle a foutu en l'air la vieillesse elle-même.
A mesure que nous vieillissons, oui, c'est vrai, c'est vrai, nous devenons de plus en plus égoïstes. Nous vivons pour nos appétits. Ou du moins est-ce une façon d'envisager le vieillissement. Les personnes âgées sont très égoïstes, très gourmandes.
Parfois, Fran se dit qu'elle comprend l'impulsion qui fait désirer à quelqu'un de vingt-trois ans de tuer bon nombre de vieillards inutiles.
La vieillesse dévie vers l'inapproprié.
[...]elle est amoureuse de l'Angleterre, de la longueur et de la largeur de l'Angleterre. L'Angleterre est à présent son dernier amour. Elle veut la voir entièrement avant de mourir. Elle ne pourra pas le faire, mais elle fera de son mieux.
Un après-midi près de Notre-Dame
J'ai vue un homme qui a su passer
Le long du trottoir bondé, il portait
Un pot de café, ce dans une main,
Et dans l'autre main tenait un gâteau.
Je l'ai vu passer à travers la foule
Comme un être protégé, sur ses lèvres
Un sourire disait qu'il avançait
Vers une petite chambre privée
Et où il prendrait son repas tout seul.
Là, quand je pense ne pouvoir poursuivre,
Ce que je me rappelle, c'est cet homme,
Et ses petits réconforts dans les mains,
Qui passait le long d'une rue bondée
Vers une chambre entièrement à lui.
«Poursuivre», poème de Robert Nye
Que signifie t-il pour eux, ce mardi matin ? Est-ce juste une façon de passer le temps en société ? Ou certains d'entre eux éprouvent-ils, comme elle, la force et le pouvoir qui survivent dans les poèmes, les pièces et les romans qu'ils lisent, une force, un pouvoir et une consolation qu'eux-mêmes, dans le fait et dans l'acte de lire, libèrent et désemprisonnent, des forces qui transcendent totalement cette salle institutionnelle, les gobelets en plastique, la fontaine à eau et le distributeur de café qui tombe si souvent en panne ? [...] elle vit dans et pour les mots, pour les mots des autres.
Elle regarde les vastes eaux de crue, au-dehors. Une lune soûle, penchée, visible aux trois-quarts, une lune gibbeuse et décroissante au-dessus d’eux. Les branches supérieures des saules à moitié immergés sont de l’argent tremblant et fantomatique au clair de lune. Et, voguant dans les champs noyés, se trouve un cygne, un blanc cygne héraldique, fier, dans sa beauté sans âme, sans signification, sans effort. Son col se courbe, sa tête se tourne lentement de part et d’autre, il vogue de manière arrogante, dédaigneuse, emblématique, et scrute le scintillant royaume de la nuit. 
A mesure que l'Europe occidentale est devenue moins homophobe, l'Afrique du Nord est devenue plus homophobe. On dirait que la tâche de l'homophobie se déplace sur la carte, s'installe par-ci, s'installe par-là. Vous pouvez être coffré dans une prison marocaine à l'heure actuelle pour les choses que Bennett et Ivor avaient faites à Essaouira dans les années 1970, alors qu'aujourd'hui, en Angleterre, tout est permis.»

«Bennett disserte à propos de l'hypothèse selon laquelle le volcan encore très actif de Cumbre Vieja sur la côte ouest de La Palma, pourrait entrer en éruption et propulser dans l'Atlantique un morceau énorme de masse terrestre des Canaries, provoquant ainsi vers l'Ouest un raz-de-marée considérable, de vingt mètres de haut, «aussi haut que la colonne Nelson», qui se déplacerait à la vitesse d'un «avion à réaction». La chute d'une plaque de roche faisant «deux fois la taille de l'île de Man» créerait un tsunami qui détruirait tout d'abord Tenerife, puis anéantirait deux tiers de la population de Casablanca et de Rabat, inonderait le Sud de l'Angleterre et, avant de décroître, engloutirait New York et la majeure partie de la côte est...Il ne s'apaisera pas avant de rencontrer la terre ferme, et cette rencontre, c'est la mort.
[...] C'est une perspective dont la nature extrême est satisfaisante, et un désastre que l'on ne pourrait pas mettre sur le compte de l'action humaine. La crête volcanique est instable, c'est comme ça et pas autrement. Elle n'a pas été rendue branlante par les réfrigérateurs, les bombes de laque pour les cheveux, le TNT, les gaz d'échappement, le SIDA, ni la surpopulation de la planète. L’île n'a pas jamais eu une population dense et les humains ont peu d'effet sur elle. [...] Un volcan est innocent et pur.»
Miguel de Unamuno figure parmi les plus grands écrivains 
de l'Espagne de son époque, 
dont il est particulièrement représentatif : 
il est décrit comme un homme de passions animé par de multiples contradictions, 
ce qui en fait un personnage assez typique de l'Espagne 
de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. (source Wikipedia)


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