mercredi 5 octobre 2016

Charly 9 de Jean Teulé ****


Editions Julliard, mars 2011
232 pages

Quatrième de couverture


Charles IX fut de tous nos rois de France l’un des plus calamiteux. 
A 22 ans, pour faire plaisir à sa mère, il ordonna le massacre de la Saint Barthélemy qui épouvanta l’Europe entière. Abasourdi par l’énormité de son crime, il sombra dans la folie. Courant le lapin et le cerf dans les salles du Louvre, fabriquant de la fausse monnaie pour remplir les caisses désespérément vides du royaume, il accumula les initiatives désastreuses.
Transpirant le sang par tous les pores de son pauvre corps décharné, Charles IX mourut à 23 ans, haï de tous.
Pourtant, il avait un bon fond.

Biographie


Jean Teulé est l'auteur de quinze romans, parmi lesquels, Je, François Villon (prix du Récit biographique) ; Le Magasin des suicides (traduit en dix-neuf langues) a été adapté en 2012 par Patrice Leconte en film d'animation ; Darling a également été porté sur les écrans, avec Marina Foïs et Guillaume Canet ; Mangez-le si vous voulez a d'abord été mis en scène pour le Festival off d'Avignon puis repris au théâtre Tristan-Bernard en 2014 ; Charly 9 s'est joué en avril 2014 à l'Opéra-Théâtre de Metz ; Les Lois de la gravité, déjà adapté au cinéma en 2013 par J.-P. Lilienfeld sous le titre Arrêtez-moi !, avec Miou-Miou et Sophie Marceau, se jouera à partir du mois de février 2015 au Théâtre Hébertot ; Le Montespan (prix Maison de la presse et Grand Prix Palatine du roman historique), Longues peineset Fleur de tonnerre sont également en cours d'adaptation cinématographique. Quatre de ses romans ont été adaptés en bande dessinée. La totalité de l'œuvre romanesque de Jean Teulé est publiée aux éditions Julliard.

Mon avis ★★★★☆


Une bio fiction pseudo-historique, dans laquelle Jean Teulé recrée à sa manière les dernières années de la vie de Charly 9 (personnage fictif très largement inspiré de Charles IX) et la manière de Jean Teulé, je l'aime beaucoup ! Le fond de ce roman est truffé d'anecdotes précises, de repères historiques, de personnages qui ont véritablement existé, et que l'on sent bien que Jean Teulé s'attache à l'Histoire, les sources bibliographiques citées en fin d'ouvrage le prouvent ... oui mais voilà, c'est du Teulé, et ce roman ne s'apparente guère à un cours magistral sur la vie de ce soixante et unième roi de France et avant dernier roi de la dynastie des Valois ... il y ajoute sa griffe acérée, son humour acerbe et mordant, du cynisme, et de la dérision, et comme dans tout roman, il prend des libertés, et laisse aller son imagination de-ci de-là. Personnellement, j'adore ! Quel conteur d'Histoire envoûtant ! Quelle originalité ! Quel plaisir de le lire ! (mon avis, petit avis, bien sûr).

Il en a du piquant sous les sabots ce roman. Tout n'est pas à prendre au pied de la lettre, excepté le terme de ROMAN, même si, malgré tout, il éclaire sur cette période de l'Histoire française confrontée aux guerres de religions incessantes, sur le macabre massacre de la Saint-Barthélémy, sur le règne court et peu enviable de Charles IX.
Jean Teulé dresse un portrait très tranché de ce jeune Roi : roi torturé, poète à ses heures perdues et fou amoureux de sa femme, la jeune Reine Elisabeth d'Autriche, heureux qu'elle lui ait donné une fille. Il aurait eu honte de partager ses sanglantes annales avec un fils. «Son œuvre lui aurait fait dresser d’horreur et tomber ses cheveux.» Il fût un Roi perdu dans les tourbillons de l'Histoire.
«La conscience me ronge sur le soir, et la nuit me gronde, au matin, elle siffle en serpent, ma propre âme me nuit, elle-même se craint, d’elle elle s’enfuie.»
On y côtoie Ambroise Paré, Catherine de Médicis, l'altière Reine mère, Marie Touchet, la maîtresse du Roi, Ronsard et ses alexandrins et son obsession pour les jeunes filles et sa Franciade.
Les personnages de ce roman sont des caricatures; Jean Teulé n'épargne personne, c'est caustique, non viable historiquement, mais ça je vous l'ai déjà dit, ce livre est une fiction...

J'ai beaucoup aimé le chapitre dix-neuf, qui relate une partie de Jeu de Paume entre le Roi et ses frères le Duc d’Alençon, et le duc d’Anjou (futur Henri III), aux tirades grossières, qui tourne au pugilat et que je ne suis pas prête d'oublier. Charly 9 jure comme un païen et menace ses frères. Il vomit sa rage…et devient dingue, jusqu’à se tirer une balle dans la bouche, mais seule l’amorce prend feu.
« Conseiller perfide, qui m’a poussé aussi à l’abîme, tu auras le bénéfice de l’oubli, vilain, voleur, sacrilège noir, pendard, larron, putier…Bref, il emploie pour dénigrer son autre frère toute la rhétorique des tripières du petit pont. Il dégaboule aussi contre leur mère commune, mille injures, exécrations, vilenies, et plein d’autres petits mots pareillement scandaleux pour les gens d’église. »
Ce roman est d'ailleurs truffé de petits mots doux, sortant de la bouche de Charly 9, Jean Teulé n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Âmes sensibles, s'abstenir.
«... pute borgne du trou du cul du tout-puissant, mille pines de Dieu bouffées par le chancre, par le cul de Dieu , oh, morte couille, je te compisse gargouilleuse, truie pisseuse, mal fille, putrelle au con gros» 
Charly 9 est une fiction formidablement orchestrée par Jean Teulé, bercée d’une poésie envoûtante, et empreint d’un humour féroce. 

Chez ce même auteur, vous aimerez peut-être aussi Le Montespan.

Pour ma part, j'ai prévu deux lectures sur cette période de l'Histoire : Francis Walter, Saint-Germain ou la Négociation, et Robert Merle, Fortune de France. Les avez-vous lus ?

« Jeu de Paume, jeu de vilains, noter la ruse et la méchanceté soudaine de ce joueur-là.

Tout a changé dans votre royaume nouvellement enrichi des pleurs et du sang des français. [...] L’eau de leur rivière rit en mille ondes rouges L’eau de leur rivière rit en mille ondes rouges. Toute la France sera donc versée dans cette folie [...]Toute la France sera donc versée dans cette folie.
Son esprit est fourneau de feu. […] Il saute la haie de sa raison.
Tu sèmes de fleur le bord béant de mon précipice.
Elle est belle la France avec un roi pareil.
Le poète Ronsard file sur la soubrette blonde : « Comment t’appelles-tu ?! Cassandre ? Tu te moques, ribaude. C’est mon prénom préféré » , dit-il en volant la petite pour s’échauffer dans elle, ailleurs, en la fleur de ses ans.
- Ah, Marguerite de Valois... Que vous voici également drôlement accoutrée.

Toute "gothique" et en noir, elle a aux lobes de ses oreilles des pendentifs en forme de tête de mort et porte, sous le bras, un vrai squelette de crâne humain dans un bocal empli d'alcool qu'elle promène comme un animal domestique.
- La Franciade sera rédigée en décasyllabes.

- Rooh ...Bon, on a le titre mais sur quel thème, Majesté, vais-je devoir braire en dix pieds comme un âne ?

- Vous raconterez la vie de Francus, fils supposé d’Hector, dont on dit qu’il serait à l’origine du peuple français.
Ronsard, yeux au plafond et joues gonflées, soupire sur l’air de : « Oh, putain, en plus, le sujet !… »
- Pierre, j’attends là-dessus dix mille vers que vous me ferez lire au fur et à mesure de leur rédaction.
Baïf et Tyard qui étaient un peu chagrinés que le roi préfère passer commande à Ronsard sont maintenant très soulagés de ne pas avoir à se goinfrer dix mille lignes sur la vie de ce con de Francus.
Après ma moisson d’âmes, les astres ne me protègent plus.
Elle le sauve du désespoir, et c’est si joli le pardon quand c’est fleuri d’oublis.
C’est tout le sang que j’ai fait verser qui ressort par ma peau. »

Charles IX de France,
d'après François Clouet
huile sur bois, Versailles
Musée national du château.
(Source Wikipedia)



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire